Journal de bord

12 mai 2022

 

​​Le spectacle du lever du jour observé depuis la fenêtre du train où nous avons dormi cette nuit est quelque chose d'assez doux au réveil. Nous patientons en écoutant le ronronnement du train jusqu’à 8h, arrivée en gare d’Austerlitz. 

Paris ! 

Le voyage s’achève…

Difficile d’imaginer qu’une vingtaine de jours auparavant, on zigzaguait dans tes rues encombrées, en équilibre précaire sur nos bolides, pas des plus rassurées. Clic, clac, maintenant c’est la routine mécanique, sortir les vélos, la carriole, attacher… La sortie de la gare est étonnamment fluide. Sur le trottoir, en face de l’entrée du Jardin des Plantes, des gens pressés, qui partent au boulot, qui accompagnent des enfants à cartable versl’école, des nettoyeurs, croisent un curieux chargement hagard. Pas tout à fait à sa place, pas tout à fait rentré, pas tout à fait chez lui.

La voiture arrive et chacune part de son côté, pour nous retrouver demain. Dans le coffre, mon vélo et la carriole se serrent. Le cœur l’est un peu aussi, mais nous avons des retrouvailles à faire, des récits à raconter et un livre qui nous attend sur le mois à venir. 

Près de l’encre qui roule, c’est le titre que nous avions trouvé avant même de prendre la route. Cela sonne bien à nos oreilles à présent. 

Repartir, vite, sur les chemins de papier.  

 

 

11 mai 2022  

 

C'est Alice qui vient toquer à ma porte ce matin. Il est 9h, nous avons dormi tard, une première ! On le sait, aujourd’hui sera le temps du décrochage et des au revoirs. Demain, bonjour Paris. Nos maillots de bains, inutilisés depuis que nous sommes parties, sont cette fois-ci bien enfournés dans nos sacoches, prêts à être dégainés. À l’atelier, nous décrochons nos présentations, dont certaines sont déjà tombées cette nuit. Un sentiment mêlé de petite tristesse et de joie, de se dire qu’on l’a fait, nous traverse pendant que nous rangeons nos affaires. Nous nous rendons à la Poste, afin d’envoyer sur Paris un tube contenant plusieurs de nos productions. Les sacs sont rangés, fini le graphisme, fini de produire, il ne nous reste plus qu’à enfin… peut être… souffler ? Nous achetons de quoi pique-niquer et pédalons en direction de la plage. Dernière étape du voyage : la baignade. Dans le sable, on se pose, on se trempe, on dirait presque que c’est le début des vacances. Nous nous arrachons de la plage un peu à contre-cœur, pour nous rendre au Vieux Port de Marseille en passant par la corniche. On y déguste une glace en face des bâteaux amarrés. Nous ne sommes qu’à sept minutes de l’atelier, que nous foulons une dernière fois afin de rendre nos clés et de récupérer notre bazar. Sans nom et sans non, ce n’est qu’un au revoir, et la promesse de nouveaux projets. 

Les derniers bagages ainsi que la carriole nous attendent encore chez les Mitry. Derniers coups d’œil, derniers paquetages, derniers harnachements et nous partons au coucher du soleil pour la petite gare de Marseille Blancarde. Nous arrivons tout en douceur, le quai juste sous nos roues. Cela se passe presque trop bien. Tant mieux, on commence à fatiguer. 

L’intercité arrive en gare, il sera direct jusqu’à Paris Austerlitz. On y découvre nos couchettes. Par chance, nous avons la fenêtre à hauteur de regard. La chance est en réalité pour moi, car Alice s’endort en quelques minutes dans sa couchette. Je me laisse doucement bercer par le chahut du train, hypnotisée par les jeux de lumières et des paysages de nuit qui défilent. Je n’arrive pas à dormir. Alors dans un demi-sommeil je capture chaque détail de ce voyage nocturne, entremêlé aux souvenirs des dernières semaines qui reviennent par vagues. À un moment, quand j’ouvre les yeux, la lumière du jour s’infiltre dans le compartiment.




Dans le train couchette direction Paris

Une dernière glace avant le départ 

 
 








10 mai 2022


  
 

C'est le grand jour de l'accrochage !

Une journée bien remplie nous attend pour la préparation du vernissage. Nous sélectionnons une vingtaine d’images, de photos prises sur la route, on nous voit en train de pédaler, de créer, de perturber le paysage. Comme un premier aperçu de nos pratiques, un pas dans notre laboratoire ambulant. Nous partons pour l’atelier et le branle-bas de combat commence. Un premier tri d’abord. On s’étale, on recoupe droit, déjà ça a une autre allure que lorsque c’était étendu sur la route ou chez l’habitant·e. On commence à investir l’espace extérieur auquel on essaie de donner un peu le ton de nos accrochages sauvages. On suspend les drapeaux sur une corde et on présente de nouveau notre installation de vélos-étendoirs de cartes postales. Aux carreaux de la porte-fenêtre, nous collons des posters riso, ceux que nous avions disséminés entre les mains des passant·es et les rues des villages. Dans l’espace cuisine, se dispersent des goodies et des petites pochettes. Enfin, dans la grande pièce, où trônent les machines et les presses, on s’attelle à l’accrochage de nos grands formats : monotypes, cyanotypes, sérigraphies, gravures sur carton. Penser cet accrochage s’avère plus difficile que nous ne le croyions. Nous prenons du temps pour réfléchir à la disposition des formats, à l’espace, aux blancs, aux pleins, aux vides. Finalement, nous arrivons à une configuration qui commence à nous plaire. Nous suspendons du côté opposé de la pièce les gravures imprimées la veille et disposons nos photos sur une table au centre. Les portes de l’atelier peuvent s’ouvrir !

De ce temps suspendu au goût salé de la fin du voyage qui toque doucement à la porte, s’entrecroisent des souvenirs assez fous. Mots, visages, voix, bruits de verres qui trinquent, questions-réponses, étonnements, bravos. L’atelier se remplit d’abord de membres du collectif venu·es nous rencontrer. On retiendra des quelques passages la curiosité d’une professeure de graphisme, d’une de ses étudiante, qui a suivi notre aventure et est venue voir la production en vrai, la fougue des membres du collectif « Les Déchaînées » et « Les Écrouvisses », groupes de personnes promouvant le cyclo-féminisme.

Bientôt 22h sonnent et ne demeurent à l’atelier que ses habitant·es, le collectif et nous-mêmes qui restons comme un grand groupe de copaines. L’occasion pour nous de nouer des liens, de faire plus ample connaissance et de tisser notre toile. Nous quittons les lieux de la fête à minuit pour enfourcher nos vélos dans la nuit. 

Sur le chemin du retour, on n’entend que le bruit de nos bécanes côte-à-côte et de la circulation nocturne, mais dans nos silences, je devine qu’ensemble, on se dit, sans tristesse, simplement une sorte d’apaisement post-euphorie, que ça y est, ça commence à sentir la fin.

 
 





















 
 

9 mai 2022

 

Un autre jour à Marseille, avec ses hauts et ses bas. 

Nous sommes debout de bonne heure et ne perdons pas une minute pour nous mettre en route pour l’atelier. Aujourd’hui nous prenons le bus car nous sommes chargées de tubes et de rouleaux avec nos productions à l’intérieur pour le vernissage de demain soir. La porte du 60, rue Rostand est close, nous sommes les premières à l’ouvrir, même si on craint qu’à cause de son vieux mécanisme elle ne nous tombe dessus. Heureusement, Alice a le coup de main. Nous traversons l’atelier typo et gravure, la cuisine et la cour, pour aller dans notre repère. Nous imprimons une deuxième série d’affiches réalisées à partir de monotypes. On tente aussi un cadre avec le motif tramé d’un pin pris en photo à Avignon, afin de tester des surimpressions de couches. Tenter est le mot car nous nous heurtons à notre brûlante envie de trop faire, faire mieux. Depuis le début, nous tâtonnons entre grandes jouissances et petites frustrations. Parfois ça plante, ça ne fonctionne pas. Cet arbre par-dessus nos tirages de la veille n’était pas une bonne idée. Peut être en tirerons-nous quelque chose d’autre séparément. De plus, notre écran avec le monotype commence à se boucher… Ces petits dérapages restent dans nos têtes un bout de temps, ils réveillent des doutes, sèment des interrogations, ils rappellent d’autres dérapages, retournent un peu l’esprit en vrac. Un instant on est dans un état bizarre : on s’arrête, les avis divergent, on se sent perdues, c’est comme ça. Nous laissons de côté la sérigraphie pour aller prendre en photo nos impressions réussies et terminées. Puis, on dégrave tout, à grands coups de karcher. Nous ressortons ensuite les bons vieux cartons à pizza qui nous ont suivis depuis Caderousse et Arles. On imprime à la presse une série de gravures en musique, dans une ambiance bien plus détendue. Les résultats nous ressemblent et nous plaisent, différents de ceux imprimés à la main. Comme d’habitude, le temps nous rattrape et nous met dehors, à 21h cette fois-ci. Nous montons de justesse dans le dernier bus de service. Contentes de la tournure de la journée, on pense déjà à l’organisation du vernissage de demain.  























Notre affiche sur la devanture de l’atelier


8 mai 2022 


Trop lent et souvent trop vite, le temps passe et nous glisse entre les doigts. S’il ne nous reste plus que cinq jours avant la fin du voyage, nous ne prenons pas du tout notre pied-à-terre comme des vacances. Une pause un peu différente dans la création, mais toujours la totale ébullition. De la maison à l’atelier, de l’atelier à l’atelier, de l’écran au carnet, nous nous agitons comme des abeilles en ruche. 

La matinée débute par l’insolation de nos écrans de sérigraphie, d’après deux grands monotypes réalisés sur la route. Puis l’opération longue et laborieuse du découpage de papier nous occupe jusqu’au déjeuner. La pluie commence doucement à tambouriner aux carreaux du toit de l’atelier lorsque nous commençons à imprimer une première série. Cette douce musique, en duo avec les greatest hits de la Motown, nous fait vibrer tout le reste de la journée. Seules dans notre bulle, notre petit coin d’atelier où tout est un peu bricolé, ce qui fait tout son charme. Une insoleuse maison, une baignoire dans une pièce-placard pour rincer les écrans, un robinet qui fuit… Nous vivons un peu un rêve ici, celui d’occuper un espace à nous et de le faire vivre de nos gestes à l’intérieur. Cela fait à peine deux heures qu’on y est installées et nous l’apprivoisons déjà comme une sorte de maison. Les choses se passent d’abord lentement, il y a des petits foirages et des accidents. Puis à quatre mains nous prenons le tour. Le même rituel se met en place et remplit la claie de séchage : positionner le cadre, centrer le papier, visser, déposer les encres, faire les dégradés, tirer la racle, une fois, deux fois, soulever, admirer, questionner, retirer, doucher, frotter, essuyer, remettre du scotch, et recommencer chaque tirage ainsi, en musique. Il est déjà 19h30, l’atelier est toujours désert et nous achevons la journée par la réalisation de l’affiche de notre vernissage. Nous accrochons notre monotype sur la vitrine de l’atelier, aux côtés de celles des événements passés. Il est 20h30 quand nous fermons derrière nous la porte de l’Imprimerie sans nom, comme on fermerait la porte de notre propre atelier. Le soleil pointe sur la mer, il fera beau demain. 















Image de l’atelier issue de Voix off




















7 mai 2022

Première journée à Marseille, plus de vélo pour nous mis à part les allers-retours que nous effectuons entre la maison des Mitry et l'Imprimerie sans nom. Nous nous réveillons dans un vrai lit où la nuit a été bien agréable. Pas de temps à perdre ce matin, il nous faut préparer les fichiers et les typons de nos visuels à imprimer en sérigraphie, et aller acheter du papier. Dans le jardin, nous étalons notre production et prenons en photo tous nos grands formats, afin d’en avoir une version numérique de qualité. Puis, sur l’ordinateur, nous effectuons quelques retouches sur ceux que nous préférons et que nous avons choisis de sérigraphier. Cette manœuvre est assez longue et fastidieuse, mais nous sommes bien installées. Après avoir mangé sur le pouce, nous partons, clé USB en main, pour l’atelier. À notre arrivée, nous sommes accueillies par Élina, qui était notre contact depuis le début, ainsi que Lila, que nous avons déjà rencontrée hier. Nous faisons aussi la connaissance d’Antoine, qui s’affaire à réparer la plomberie. Avec l’aide de Lila, nous préparons nos cadres en les enduisant d’une émulsion. On les laisse sécher dans un coin pour être prêtes à les insoler le lendemain. En attendant, nous imprimons en noir et blanc sur du papier calque nos visuels, découpés au format A3 puis recomposés comme des puzzles. Nous laissons tout cela à l’atelier, qui nous attendra patiemment demain matin pour la suite. Pour terminer, nous organisons un peu la soirée de notre vernissage mardi avec Élina et Antoine, la manière dont on voudrait installer l’espace et donner à voir notre production. Ça promet d’être assez chouette. Nous quittons l’atelier pour acheter le papier nécessaire à l’impression de nos images, puis nous rentrons car une escapade près des calanques nous attend de retour chez les Mitry. 

La journée se termine dans les rochers de la Baie des Singes, un petit coin de bout du monde reculé de Marseille. Bière à la main, le spectacle de la mer et du coucher de soleil sous les yeux, nous pensons avec hâte à notre production de demain. 


Apéro avec la famille Mitry






Dans les calanques



Achat du papier pour les posters









Des images de l’atelier 








Les typons pour la sérigraphie 





Affiche à l’imprimerie sans nom



Shooting de nos images


6 mai 2022


Ici commence le deuxième volet de l'aventure Grave Cargo. 

Nous quittons pour de bon la Via Rhôna et les vélos pour mettre le cap vers Marseille, où nous effectuerons une résidence à l’Imprimerie sans nom. Lieu associatif d’impression (gravure, typographie et sérigraphie), l’atelier a tout juste un an et compte une vingtaine de membres. Cet endroit forme un chouette cadre alternatif et militant où il est possible de produire des images pour toustes. 

Pour l’heure, nous quittons Annie et Gérard pour prendre à 9h un car en direction d’Arles. En une heure, nous traversons la distance que nous avons mis trois jours à parcourir, et les paysages de Camargue défilent une dernière fois sous nos yeux. Malgré une grosse frayeur pour nos vélos bringuebalés à l’arrière du car, nous arrivons à la gare d’Arles qui, bien sûr, ne dispose pas d’ascenseur… Nous commençons les traditionnels allers-retours en gare, nous relayant et portant tour à tour vélos, sacoches et carriole. Avec quarante minutes de retard, notre train pour Marseille nous embarque pour de nouveaux paysages vers la Côte d’Azur. Fatiguées, nous sommeillons à moitié sur nos montures pendant le trajet et arrivons lentement, très lentement, à la mer et à l’Estaque. Marseille se dessine et nous débarquons.  Une vue imprenable sur la ville et sur la Bonne Mère nous y attend. Nous bricolons un déjeuner sur le parvis de la gare entre nos vélos. 

Nous nous mettons en route pour l’Imprimerie sans nom, au 60 rue Edmond Rostand, où nous sommes attendues. Les premiers pas dans Marseille se font un peu dans le stress de la ville fourmillante de véhicules et de vie, à l’opposé de ce qu’on a vécu ces dernières semaines. Nous soufflons un peu à notre arrivée en avance à l’atelier, et découvrons les lieux où nous allons établir nos quartiers pour les prochains jours. Nous rencontrons Marine et Lila, qui nous accueillent et nous font visiter l’atelier sérigraphie. L’ambiance est chouette et les filles sympas, prêtes à nous épauler dans la production et à nous aider à organiser notre vernissage du 10 mai. Nous quittons l’atelier, les clés en poche. 

Pendant ces cinq prochains jours, nous pourrons ainsi imprimer en autonomie une série d’affiches en sérigraphie, en utilisant des images que nous avons produites en monotype pendant notre itinérance. Un vernissage présentant les images de notre périple se tiendra mardi soir. 

Nous laissons notre tente de côté pour loger chez la famille Mitry, non loin de la plage et des Calanques. L’accueil y est chaleureux et nous allons pouvoir savourer une nuit dans un vrai lit !






Les premières images de l’imprimerie sans nom

Notre arrivée à Marseille


Sur le quai de la gare d’Arles sans ascenseur 


5 mai 2022


Série de monotypes avec Annie

C'est le dernier jour à vélo pour Grave Cargo ! 

Dernière étape, atteindre la mer. Douze jours plus tôt, nous partions des montagnes entourant Valence, et enfin, on y est presque. Nous nous réveillons dans le jardin de Gérard et d’Annie sous une fine pluie, la première depuis notre départ. Heureusement le soleil reparaît vers 11h, et nous pouvons nous mettre en route vers la plage de Piémanson, à quatorze kilomètres plus loin. Nous emportons dans nos sacoches de quoi réaliser un dernier atelier mobile et laissons la carriole à la maison. En effet, nous avons décidé de passer une nuit de plus chez nos hôtes afin de rejoindre Arles demain en car, puis Marseille en train. Cela s’avère moins dangereux que d’aller à Fos-sur-Mer en vélo par la route. Par chance, le vent nous pousse jusqu’à la mer. La route nous fait traverser les salines, roses-violettes à cette période de l’année, et d’immenses marais où se baignent des flamands roses. Les embruns montent aux narines et bientôt nous apercevons la mer, bleu azur, qui nous attend patiemment. Nos vélos roulent dans le sable, jusqu’au bord de l’eau. Autour, le paysage est superbe, désert, presque sauvage et un vent fort balaye les dunes en s’engouffrant dans nos imperméables. On met les pieds dans l’eau, assez froide, en savourant l’instant. Puis on déjeune dans le sable et prenons une sieste bien méritée, auprès de nos montures qui regardent la Méditerranée. Le vent souffle si fort que nous avons du mal à agiter nos drapeaux sur la plage, alors nous nous contentons de signer notre arrivée dans le sable avec nos pieds. Impossible de réaliser quoi que ce soit ici, nous décidons donc de rentrer chez Annie et Gérard afin d’être mieux installées à l’abri du mistral. Sur le chemin du retour, le vent de face nous retient accrochées à la mer derrière nous. Nous retrouvons nos hôtes à Salin où nous installons un dernier atelier sur la terrasse. Annie est aux petits soins pour nous et se régale d’apprendre une technique à nos côtés. Elle est toute contente de tirer avec nous une série d’images en monotypes, avec laquelle elle pose fièrement devant sa maison. Gérard quant à lui inspecte les travaux, de loin. La dernière journée se termine par un bon dîner à table avec de vraies assiettes et nous allons nous coucher après avoir préparé notre voyage de demain, qui s’annonce éprouvant. 


Une nouvelle page s’écrira pour Grave Cargo, du 6 au 11 mai, à Marseille, avec les mains mais sans les bécanes ! 











Le deuxième raté de notre atelier sérigraphie au pochoir 

Des flamands roses


 





























Notre arrivée sur la plage de Piemenson





Les salines de Salin-de-Giraud




4 mai 2022

   

Nous partons tôt de l'endroit où nous avons dormi hier soir, afin d'écourter notre passage un peu particulier à Mas-Thibert. À 8h30 nous voilà au café afin de faire un brin de toilette et de prendre un bon petit déjeuner. Nous rencontrons Salem et son petit garçon qui nous recommande vivement de faire une halte au marais de Vigueirat qui, semble-t-il, sont vraiment très beaux. Pendant le reste de la matinée, nous nous promenons à pied dans la réserve protégée. Le site est vraiment magnifique, c’est pratiquement seules que nous observons des oiseaux, des chevaux et de gros lézards verts. Tout est calme et apaisant et nous capturons avec le zoom de nombreux sons et pépiements d’oiseaux. Faire un pas à côté de la piste et de la route pour s’enfoncer dans la nature et contempler les paysages typiques de la Camargue fait beaucoup de bien. Nous repartons après avoir déjeuné sur les tables à pique-nique du site où nous discutons avec un groupe de personnes attirées par notre carriole. 

Il faut ensuite rebrousser chemin jusqu’à Mas-Thibert afin de retrouver la piste cyclable. Une fois dessus, la route est quasiment toute droite vers la fin de l’étape. Espérant rouler à travers des marais et des salines, nous sommes un peu déçues des paysages traversés aujourd’hui : des champs immenses déjà arides en cette saison, bordés d’usines au loin, celles de Fos-sur-Mer, à l’embouchure du Rhône. Notre regard se perd tout de même dans les Alpilles et dans les rizières. Nous pédalons face au vent chaud sans faire de pause car nous voulons éviter d’arriver tard comme hier. Nous atteignons Salin-de-Giraud vers 18h après avoir traversé le Rhône par le bac, un bateau qui fait la liaison entre les deux berges. Une roue à nouveau crevée pour le vélo d’Alice signe la fin de la journée. Elle parvient à la remonter plus rapidement qu’à Valence, et nous nous mettons à chercher un endroit pour dormir. Nous rencontrons Annie et Gérard qui acceptent, ravi·es, de nous accueillir. Tout de suite, on en oublie le mauvais moment d’hier, tellement leur générosité et leur humour sont débordants. Pour elleux, hors de question qu’on dîne dehors séparés, iels insistent pour que nous partagions leur dîner. Annie nous présente leurs colocataires, deux chats et un immense lapin qui lui tiennent compagnie. Si le sud devait avoir un prénom, un visage et une voix, assurément ce serait celle d’Annie et de Gérard. Iels semblent avoir le cœur sur la main et nous regardent curieux·euses et prêt·es à nous aider à réaliser encore une série d’affiches sur carton. Annie nous installe sur la terrasse et nous avons enfin une grande table pour travailler ! Les tirages sèchent dans le salon pendant que nous dînons. À 23h30, nous nous retirons dans notre tente après une tisane, épuisées mais ravies, l’accent du sud plein les oreilles.




    





Impression de nos gravures sur carton, sur la table de Gérard et Annie


Annie lisant notre carte


 









Le seul flamant rose vu au marais de Vigueirat














3 mai 2022

Les pieds dans l’encre


Remise en selle ce matin ! La matinée se partage entre courses pour ma part et rangement et lessive au camping pour Alice. Nous nous retrouvons à 11h pour plier les derniers bagages puis nous quittons le camping et Arles. Peu de temps après notre démarrage, nous croisons le célèbre pont Van Gogh. Nous roulons dans des allées bordées de roseaux et de coquelicots, où nous apercevons parfois des chevaux de Camargue, des buses et quelques rapaces. Dans les marais, on entend le croassement des grenouilles, et le chant des oiseaux, sons que nous tentons de capturer avec le petit enregistreur. Nous pédalons à présent sur une piste vertigineusement toujours plus plate, droite et infinie devant nous. La chaleur devient un peu étouffante et nous nous arrêtons sur une sorte d’aire pour déjeuner. Après une courte pause, nous nous remettons en route en quête d’un endroit propice à la création. C’est finalement au milieu de la route et de nulle part que nous sortons le matériel. Nous étendons nos cartes de la veille sur une corde tendue entre nos deux vélos pour les faire sécher. À côté, nous nous lançons à nouveau dans la gravure de cartons à chaussures qu’il nous reste. C’est long, mais nous sommes bien, là, au bord de la route déserte, la nature autour de nous, auprès des poissons dans l’eau et du vent dans les arbres, à ne penser à rien, sinon à faire. Après une dizaine de jours de production dans la nature, on commence tout de même à en avoir un peu marre de travailler par terre à même le sol, dans des positions inconfortables. Le mal de dos se fait ressentir, on s’en met partout. Le vent balaye les feuilles de papier, une table et un plan de travail commencent à nous manquer ! 

Cela ne nous empêche pas de sortir une très belle série de nos deux cartons sur-imprimés. À fond dans notre truc, nous ne voyons pas le temps passer. C’est la première fois que nous nous arrêtons et rangeons aussi tard, mais il ne nous reste que trois kilomètres avant d’arriver à Mas Thibert, notre destination du jour. Nous essayons de trouver une maison au plus vite. Nous trouvons refuge chez un couple, pas des plus agréables que nous ayons rencontrés, mais qui ont tout de même la gentillesse de nous laisser un coin où dormir devant la maison. Nous dînons de notre côté, sans faire plus ample connaissance. Cela ne peut pas toujours prendre à tous les coups. 

Nous partirons tôt demain matin, en espérant que nous trouverons plus sympa et accueillant la prochaine fois. 



 






























Alice se croyant déjà sur la plage





Gravure sur carton de boîte à chaussures














Une coccinelle s’offrant un manège à sensations fortes 



Sur la route, droite pendant 20km


Avant le départ au camping 



2 mai 2022


       

Journée sans vélo aujourd'hui ! Les jambes se reposent et les mains partent au travail. Pour notre atelier de cet après-midi, nous prévoyons d’imprimer en direct des cartes postales en gravure sur carton que nous produisons ce matin au camping. Nous préparons ensuite le matériel à emporter et il y en a pas mal ! Rouleaux, encres, papiers et bâches, cordes et pinces à linges, tabliers et plexiglas, quelques petites pochettes et affichettes. Bien chargées, nous nous rendons dans le centre d’Arles et vers notre repère, juste devant les ruines du théâtre antique. Rapidement, notre remue-ménage attire les regards et la curiosité des passant·es qui ralentissent ou s’arrêtent discuter avec nous et pour certain·es, se prendre au jeu et imprimer leur carte. Nous rencontrons beaucoup de familles de passage dans le coin, des enfants et des personnes âgées, à qui nous proposons de choisir les plaques qu’iels veulent, de les encrer, de les imprimer et de repartir avec. Si les formes produites ne sont pas ce qu’on a fait de mieux depuis le début, l’expérience et l’instant vécus avec les gens sont assez chouettes. La simplicité de la technique atténue la timidité d’oser faire et suscite l’enthousiasme des personnes qui viennent essayer avec nous. Aux petit·es et grand·es, nous racontons notre histoire, qui suscite curiosité et encouragement, et parfois même des conseils. On gardera en mémoire les mots de ce petit garçon à la vue de notre drapeau : « On dirait un drapeau de voiture de course avec des flammes dans la jungle !» La production bat son plein jusqu’à 18h30, elle ne nous convainc qu’à moitié, mais il y aura plein de choses à en tirer plus tard. L’essentiel de notre objectif est atteint : avoir réussi à mettre en place un prétexte à la rencontre et à la création à plusieurs en un lieu et temps. 

Si vous passez faire un tour près du théâtre d’Arles, vous ramasserez peut-être une petite pochette que nous avons glissée entre deux pierres, le souvenir de notre atelier laissé au lieu. La fête est finie mais nous la continuons en renouvelant une session d’accrochage sauvage dans les rues et ruelles. Nos affiches cohabitent maintenant avec des photos, des textes, des tags et des affiches déchirées. Nous sommes surprises en pleine action par l’appareil photo d’un couple de Hollandais, Han et Jeanine. Très intéressé·es, iels nous demandent de leur expliquer, en anglais, les significations de glaneuses, colporteuses et pédalheureuses. On s’en sort plutôt pas mal ! Notre échange est assez fou et nous nous quittons après encore quelques photos et la promesse de l’envoi de notre livre chez elleux, aux Pays-Bas. 

Après cette journée bien remplie, toujours chargées et couvertes d’encre, nous dînons dans Arles sur une place cachée et profitons d’une belle soirée. Demain, il faudra remonter sur les vélos et s’enfoncer en Camargue, vers la mer qui se fait plus proche. 





Photo prise par Han et Jeanine rencontrés par hasard


   

  



 







« L’audacieuse fabrique s’installe et se mêle à vous »


 

« Il ne s’agit pas de faire une image, il faut qu’elle arrive de ses propres ailes »



 

 

 


Une pochette laissée là 


 


Surimpression sur carte du Tour de France 



Esther avec sa carte postale

L’atelier cartes postales à Arles 





Les arènes d’Arles


Sofiane imprimant sa carte postale






Le début de notre atelier près du théâtre antique




Les cartons gravés




Préparation de notre atelier à Arles 


1 mai 2022



Ce matin encore en ouvrant les yeux, le soleil nous accueille. Pour le moment, nous passons entre les gouttes avec beaucoup de chance. Le jardin de Stéphane nous offre un beau décor et nous y installons pour la matinée notre matériel pour produire et imprimer. Un immense garage où il entrepose toutes sortes d’outils divers et bibelots familiaux nous sert officiellement d’atelier et notre hôte en est ravi. Nous imprimons des boîtes de pizza en carton gravé et faisons aussi quelques tests sur des tétrapacks ou des cartons plus fins. Mais la pression de nos mains ou des cuillères n’est pas assez forte pour imprimer en taille-douce. Pour les cartons à pizza en revanche, nous obtenons des résultats assez chouettes, des trames et des textures que nous n’avions pas exploitées avant. Nous mettons aussi à profit des outils que nous trouvons dans le bazar du garage, comme une brouette qui nous fait office de presse. La matinée dans la grange est rythmée par les allées-venues de Stéphane qui vient observer le chantier. Parfois il nous prend en photo, nous apporte des pains au chocolat, nous installe des coussins… Et surtout, parle ! Plongées dans ce que nous faisons, nous échangeons avec lui et passons un bon moment. Le temps passe vite, il est déjà midi quand nous finissons de ranger la grange. Nous disons au-revoir à Stéphane et Monique, son épouse, et leur laissons une affichette avec laquelle Stéphane accepte de poser devant son arbre préféré. 


Il est un peu tard mais nous sommes d’attaque pour pédaler et franchir les dix-huit kilomètres qui nous séparent de Beaucaire. Quand nous entrons dans le village, un défilé de grosses motos et de bécanes américaines nous bloque le passage. C’est la fête de «L’American Dream» dans les rues. Nos vélos font un peu tache dans cette ambiance motarde et rock’n’roll. La remise en selle est dure à cause de la chaleur, les parties ombragées deviennent très rares sur la piste et le vent est chaud. La route passe vite jusqu’à Arles, que nous atteignons à 19h. Pour deux nuits, notre tente sera au camping, nos vélos et nos jambes se reposeront un peu pendant la journée de demain. En nous promenant le soir dans la ville, nous ramassons encore quelques cartons et repérons des endroits propices à la réalisation de notre atelier du lendemain. Nous notons de beaux lieux bien pratiques près des arènes ou dans les jardins des ruines de l’amphithéâtre. Il est assez tard quand nous rentrons dormir mais nous avons hâte d’occuper nos mains. 



Nos images au camping d’Arles








 

La fête American Dream

 

Des bananes au chocolat à Beaucaire

Sur le départ 

Stéphane avec l’affiche qu’on lui a offerte

 

 








Impression à la brouette



Une pochette laissée ici





Noémie savourant un pain au chocolat

Des palettes gravées représentant notre route







Installation de notre atelier dans le hangar de Stéphane 




30 avril 2022



Les portes de l'Occitanie s'ouvrent à notre départ d'Avignon en cette septième journée. Nous faisons un dernier tour dans la ville afin d’aller récupérer quelques vieilles cagettes au marché. Nous trouvons notre bonheur, plus un gros pain au maïs. Nous repartons au camping, courses, cartons et bois sous le bras, saluons une dernière fois la belle Avignon et nous remettons en selle. C’est là que les ennuis commencent…  Le circuit est très mal indiqué à Villeneuve-lès-Avignon, et nous mettons presque une heure trente à retrouver notre chemin. Enfin, nous apercevons les panneaux de la Via Rhôna et nous soufflons un peu. Il est déjà midi. Pour rattraper le temps et l’énergie perdus, nous roulons vite et bien sous une chaleur pas encore trop étouffante. Beaucaire est indiqué trente kilomètres plus loin mais cela nous semble un peu ambitieux d’y arriver sans prendre le temps de se poser pour créer un peu. Nous décidons de modifier légèrement notre itinéraire et de pédaler jusqu’au village de Montfrin. C’est à Aramon que nous nous arrêtons vers 14h pour enfin faire une pause déjeuner et production. C’est aussi le moment pour nous de faire le point sur ce qu’on a réussi à faire jusqu’ici, à la moitié. Ce que l’on garde, ce que l’on change et ce qu’on met en place pour continuer d’avancer. Nous aimerions dans la semaine qui vient nous concentrer sur l’aspect participatif, peut-être dans la préparation d’un plus grand atelier à Arles. Pour le moment nous avons beaucoup créé à deux, expérimenté et recherché des formes, parfois en discutant et en faisant intervenir quelques personnes, tout en rendant les gens et les passant·es curieux·ses. Cette fois, nous aimerions réunir plusieurs personnes en un temps limité autour d’un thème, d’un contexte et d’une technique. Pour cela, nous choisissons de nous arrêter deux nuits à Arles, pour avoir le temps de mener à bien cette idée. Nous avons encore la journée de demain pour y réfléchir sur les vélos. De nouvelles idées plein les carnets, nous repartons en direction de Montfrin. Le terrain s’aplanit, la route glisse et nous passons dans une belle lumière de fin de journée. À notre arrivée, nous rencontrons Stéphane qui nous conduit dans son petit bout de jardin fraîchement aménagé, idéal pour passer la nuit. Notre hôte est sympa, il nous raconte l’histoire de sa maison. Avant le dîner, nous allons nous promener dans les hauteurs du village dominé par un château. Alors que la nuit tombe doucement, nous errons dans les broussailles en cueillant des fleurs que peut-être nous imprimerons demain. Nous redescendons et dégustons une délicieuse omelette cuisinée par Alice, tout en continuant de graver des palettes de bois entamées à la pause de ce midi. Quelques feuilles de menthe du jardin de Stéphane infusent dans un bon thé qui nous conduira tout droit dans un bon sommeil.


Gravures nocturnes




    


Sur les hauteurs de Montfrin






Chez Stéphane et Monique dans le village de Montfrin


Noémie qui a fini dans le fossé (rien de cassé)






Pause repas à Aramon et gravure sur carton de pizza






Enfin sorties d’Avignon après quelques péripéties 


29 avril 2022

Un chat curieux qui observe deux colleuses

C'est la moitié du voyage de Grave Cargo ! 

Nous quittons Lucien et Henriette après quelques petits coups de pompe à pneu pour aller faire des courses. Solidement harnachées et ravitaillées, nous pouvons repartir. 

Une chaleur à peu près semblable à celle d’hier nous attend aujourd’hui, c’est pourquoi nous voulons abattre le plus de kilomètres possibles ce matin afin de passer entre les fortes températures et garder un peu de fraîcheur. Le Gard se déplie sous nos roues, nous sommes progressivement accueillies par des pins et un fort accent du sud. Nous pédalons vite, bien plus vite que nous le pensons, et atteignons le village de Sorgues à une vitesse «fulgurante». Quelques kilomètres avant nous admirons les ruines du fort de Châteauneuf-du-Pape. Tous ces anciens châteaux qui jalonnent notre itinéraire sont très beaux. À Sorgues, nous pique-niquons dans un parc d’enfants vers midi, et nous y restons jusqu’à 15h dans le but de nous rendre à la gare TER du village pour rejoindre Avignon en train. En effet, le guide tout comme des cyclistes aguerris que nous avons croisés, nous ont fortement déconseillé d’emprunter la route reliant Sorgues et Avignon. La Via n’est pas tout à fait aménagée sur cette partie-là, et fait cohabiter les vélos et les voitures sur une nationale. C’est trop risqué, trop stressant, nous irons à Avignon en train ! Sur le quai de la gare, nous rencontrons Christopher, un jeune passionné de vélo. Sympathique, il fait le trajet avec nous et nous file un coup de main pour porter notre attirail tout en nous parlant de vélo. Les gares sont réellement des passages complexes pour nous. C’est tendues que nous arrivons à Avignon, après de multiples allers-retours en ascenseur avec les vélos et la carriole. Le moral remonte aux premiers pas dans la ville, que ni Alice ni moi ne connaissions avant. Nous contournons les remparts afin de nous rendre au camping. Nous nous offrons une bonne douche et une lessive. Au loin, nous distinguons le pont d’Avignon, et le Palais des Papes derrière les remparts. Sans tarder, nous allons passer la fin de la journée dans la ville. Nous franchissons le pont Édouard Daladier puis nous montons au palais, où nous embrassons une vue superbe sur Avignon et ses alentours. Les montagnes se dessinent dans des bleus très légers. À nos pieds, de petits toits de briques fourmillent et nous appellent à descendre déambuler dans les ruelles. C’est le moment propice pour coller quelques affiches sauvages que nous avons sous le bras. Nous en éparpillons de-ci de-là, au hasard des murs et de petites portes, colle et pinceau à la main. Les rues sont calmes et les passant·es s’amusent à nous regarder coller nos dessins sans paraître dérangés. Ce sera notre modeste production du jour, une trace laissée à la belle ville d’Avignon, dont nous profitons encore du charme jusqu’à la nuit tombée. 



Probablement l’avenir de nos affiches sur les murs d’Avignon


En piste pédalheureuses collée sur la devanture du théâtre permanent 













Affiche collée sur le Palais des Pâpes


Apprenties colleuses 




Arrivées à Avignon 


Sur le quai de la gare de Sorgues








Henriette qui nous observe regonfler nos pneus avec sa super pompe 


28 avril 2022

Nos images sur le séchoir de Lucien et Henriette

En route pour la journée la plus chaude de la semaine ! C’est ce que j’entends à la radio de Serge pendant que je fais la vaisselle. Nous disons au-revoir à nos hôtes et partons en direction de la Mairie de Lapalud. Nous sirotons nos breuvages dans le bureau du Maire entourées de la cour administrative et urbaniste du village en discutant. Puis, nous posons devant la mairie avec les élu·es pour une photo-souvenir. Peut-être serons-nous dans le journal de demain ! Il est 10h30 et nous roulons en direction de Pont-Saint-Esprit, où nous comptons nous restaurer et nous promener. Il y a un très beau pont romain à treize arches à admirer, paraît-il. Seulement nous changeons nos plans car nous empruntons le mauvais pont. Nous préférons continuer de rouler plutôt que de perdre du temps à revenir sur nos pas. Nous atteignons en moins d’une heure le village de Mondragon et nous y arrêtons pour manger une brioche. Le trajet jusqu’au déjeuner est long et chaud, mais heureusement les paysages rincent les yeux et un vent encore un peu frais nous frôle. Nous longeons pendant un moment la nationale sur le bas-côté, qui ne sera pas la meilleure partie du voyage. Bientôt se découpe dans les montagnes la silhouette du château fort de Mornas, surplombant la vallée du Rhône, où nous trouvons un coin à l’ombre pour pique-niquer. La chaleur pesante nous maintient quelques heures ici, entre sieste, dessin et gravure de tétrapack. Nous repartons en direction de Caderousse. Les yeux continuent de se régaler de champs à perte de vue. J’aperçois une petite échappée où nous pourrions faire une pause atelier. Nous produisons une série de quatre grands formats, toujours en monotype, dans des dégradés de rouge et de jaune, réalisées à partir de terre, de bâtons, de pierres et d’outils trouvés sur le terrain. Ce rythme nous va bien : pédaler, en avoir marre de pédaler, faire des images, en avoir marre de faire des images, pédaler de nouveau. C’est un équilibre auquel on commence à se faire. On repart, nos impressions roulées dans des tubes. Seul hic maintenant : le séchage et la conservation de nos tirages. Si jusqu’ici nous documentons assez bien et avons de belles images de nos images, le sort des originaux laisse à désirer… Nous avons eu la mauvaise surprise de constater que nos formats encrés avaient collé au papier censé les protéger, et il est parfois impossible pour certains de les décoller sans en arracher une partie. Il faudra réfléchir à des solutions. En entrant dans Caderousse, nous n’avons aucune peine à trouver un endroit où dormir. À peine accostons-nous un couple dans son jardin que la dame nous coupe : «Vous voulez dormir ici ? Venez venez !» Nous dormirons ce soir sous les cerisiers d’Henriette et Lucien, lequel s’écrit, en voyant notre équipement : «Peuchère ! Ça c’est du bagage !» C’est bon, nous sommes bien dans le sud. Nous étendons nos productions sur la corde à linge afin qu’elles sèchent pendant la nuit.

Notre campement sous les cerisiers






















Notre pause près de Mornas





Des bananes au chocolat pour le petit déjeuner 

27 avril 2022


Notre tente dans le jardin de Serge

Réveil en douceur au camping de Viviers ce matin. Nous avions convenu la veille que nous passions la matinée tranquilles au camping pour profiter du point d’eau et du confort des tables pour faire un temps de production. Dès 8h30 nous voici au travail, les mains dans l’encre et prêtes à en découdre pour oublier le raté d’hier. Nous sortons une série d’images en monotype dont nous sommes assez satisfaites, on commence à sentir que doucement, des choses intéressantes commencent à venir. Nous sommes de mieux en mieux organisées, les gestes se fluidifient. Une petite poule va et vient autour de nous pendant que nous imprimons, on veut la faire participer, mais elle ne se montre pas très coopérative. Après le monotype, on sort les cyanotypes qu’Alice a enduits cette nuit. On s’amuse à faire des images avec les ombres de nos vélos, puis d’un arbre et de nos corps. Nous étalons nos réalisations sur le carrelage des douches du camping. Tout peut devenir un atelier ! 

Il est déroutant de constater que depuis notre départ, notre notion du temps est assez déboussolée. Souvent, nous croyons pouvoir aller vite et avoir du temps devant nous, mais en réalité les événements prennent beaucoup plus de temps que prévu et nous sommes souvent rattrapées par la journée qui avance. Nous bouclons toutes les affaires pour quitter le village à 16h30. Nos images qui volaient et séchaient au vent sur la corde à linge à côté de nos habits, dorment maintenant dans la carriole. C’est soulagées que nous retrouvons la Via Rhôna, après une sortie de Viviers toute aussi compliquée que l’entrée. Pédaler à nouveau nous fait du bien et nous libère un peu l’esprit. Nous profitons des paysages changeants et de l’ombrage bienvenu des arbres lors de passages en forêt. Celles-ci commencent à se faire plus rares une fois passé Bourg-Saint-Andéol. Les vergers laissent progressivement place à de vastes champs de lavande, de patates et de blé. À cinq kilomètres de Lapalud, nous nous offrons une pause goûter avant de gagner notre destination. Il est environ 19h lorsque nous faisons notre entrée à Lapalud, surnommée fièrement «Capitale Nationale du Balais. » Le village paraît fort huppé et nous croisons beaucoup de chics et belles maisons. Nous essuyons plusieurs refus à notre demande d’hébergement nocturne, mais ne perdons pas espoir et accostons un groupe de messieurs accolés au bar du terrain de pétanque. La chance nous sourit, nous tombons sur Monsieur le Maire de Lapalud en personne, qui nous offre un verre de vin blanc en dépit du pastis. Son ami, Serge accepte de nous conduire dans sa maison. S’ensuit une soirée improbable à boire un apéro parmi «L’Union Boulliste» avant de nous rendre chez Serge et son épouse, Liliane. Iels nous accueillent dans une charmante maison où nous plantons notre tente. Nous allons dormir sans tarder car demain nous sommes attendues pour prendre un café à la Mairie. 



Arrivée au boulodrome de Lapalud

  



 

Nous quittons le camping vers 16h30











Atelier monotypes 














Cyanotype dans les douches du camping

Séchoir d’images au camping

 
 
26 avril 2022

Il fait jour dans la tente quand nous ouvrons les yeux en ce deuxième matin de l'aventure Grave Cargo. Nous rangeons nos affaires tandis qu’Odette et Jacques vaquent à leurs occupations. Nous quittons le village après avoir fait quelques courses. Jacques filme notre départ de la ferme. On laisse derrière nous un poster avec un tracteur dessus, iels en sont très content·es et nous assurent qu’iels vont l’encadrer. Nous retrouvons la Via Rhôna que nous suivons sans aucun souci. Les paysages ardéchois défilent, vertes étendues mouchetées de mas et de fermes, entourées de montagnes, dans les hauteurs desquelles se découpe le village fortifié de Rochemaure. Nous nous en éloignons pour emprunter l’impressionnante passerelle himalayenne non loin de Montélimar. Nous rencontrons un formidable troupeau d’agneaux gambadant sous l’œil de leur berger. On s’attarde à les regarder, on en prendrait bien un avec nous tellement ils sont adorables. Mais il faut bien continuer ! 

Nous nous amusons des remarques des passant·es sur notre attirail. Certain·es demandent si nous transportons un télescope ou un vidéo-projecteur. Ce à quoi Alice finit par répondre que nous sommes «artistes», c’est plus simple et plus rapide que d’expliquer ce qu’est le graphisme. Il faudra finir par se faire à cette explication ! Nous choisissons une table à pique-nique et nous nous offrons un bon déjeuner. Nous déployons de nouveau notre atelier et nos drapeaux mais cette fois sur nos vélos, ce qui fait comme une barricade sur le bas-côté de la piste. Aujourd’hui nous comptons réaliser une série d’images en sérigraphie. Nous découpons des formes dans du papier autocollant pour en faire des pochoirs. Plusieurs cyclistes s’arrêtent et viennent s’enquérir de ce qu’il se passe. Nous faisons la connaissance de Daniel et de Pierrick, arpenteurs de la Via Rhôna. Malheureusement, Pierrick assiste en direct au ratage total de notre atelier, car en discutant avec lui nous n’avons pas pris garde à la peinture qui s’est mise à sécher et a bouché l’écran de sérigraphie… Le matériel est fichu, il faudra improviser de nouveau. Pierrick est tout confus. C’est pas grave, la prochaine fois on ratera mieux ! Sur ce revers, nous décidons de ranger car nous voulons arriver tôt pour profiter du joli village de Viviers. Arrivée très compliquée au village, où nous décidons d’éviter la départementale dangereuse en empruntant un chemin tout cabossé qui s’avère difficile. Nous nous installons enfin au camping et ne perdons pas une seconde pour aller prendre nos douches. Une belle soirée se dessine et nous profitons d’être propres pour aller faire un tour dans le vieux centre historique de Viviers. Nous déambulons dans les ruelles. Le soleil décline et nous nous posons à la terrasse d’un bistrot pour savourer notre premier verre du voyage. Malgré les petites déceptions, le moral est bon. Demain nous créerons, toujours nous continuerons.


Préparation des formats pour le cyanotype 





Bien installées au camping de Viviers




Atelier raté de sérigraphie 






Notre atelier barrage

Le pont de Rochemaure





La traversée d’un troupeau tout mignon 


Un réveil sous le soleil à Messe



25 avril 2022


Bien arrivées dans le petit village de Messe


Joie ce matin au réveil quand le soleil pointe sur le Pouzin où nous avons passé la nuit. Du haut du toit de la maison, nous contemplons en rangeant les affaires le village et le Rhône au loin qui nous attend. Nous plions bagage et descendons dire au revoir à nos hôtes qui nous souhaitent bon vent pour la suite. Nous nous arrêtons un instant le temps de boire un café et un jus d’abricot. Alice part faire trois courses tandis que je sirote mon nectar en actualisant le journal de bord, puis, de nouveau chargées, nous reprenons la route. Nous rejoignons en un rien de temps la piste et nous nous sentons en pleine forme sur nos selles. Nous filons à travers champs et vergers, croisant mas et fermes, quelques randocyclistes et marcheur·euses. Alors que le soleil commence à taper sérieusement et que les moucherons envahissent nos yeux, nous nous arrêtons pour déjeuner et passer un bout de l’après-midi au bord de la piste à l’ombre d’un arbre. Alice sort son fromage, je mords dans un bon vieux saucisson. Puis, nous déployons notre premier atelier dans la nature. Les branches de l’arbre se remplissent de drapeaux et de papier. Nous sortons le matériel de gravure pour réaliser une série de grands monotypes, en testant plusieurs manières de faire et plusieurs outils. Les cyclistes et les passant·es ralentissent et jettent des regards mi-amusés mi-curieux sur ce drôle de manège, en essayant de déchiffrer à voix haute les messages sur nos drapeaux flottant au vent. Des vieilles dames en balade marchent à la queue leu leu sur notre papier, on dirait presque qu’elles s’appliquent. S’installer comme ça sur le terrain est super enthousiasmant, mais aussi bien fatiguant. Le soleil tape très fort maintenant. Mais nous enchaînons les mêmes gestes qu’à l’atelier, la vue magnifique sur les montagnes et le chant des oiseaux en plus. Tout désinstaller prend aussi beaucoup de temps, mais avec un peu d’ expérience on sera vite rodées. On défait notre beau manège à papier puis on repart direction Meysse, dix kilomètres plus loin. De la route plate à perte de vue, le vent qui caresse sans nous freiner et des moucherons nous font sortir les lunettes de cycliste qui couronnent notre dégaine. À trois cent mètres du centre de Meysse, nous accostons une dame dans son jardin pour savoir si on peut se poser là pour la nuit. Odette accepte, et nous montre une petite parcelle entre un champ de lavande et un poulailler. Son mari, Jacques, nous ouvre la porte de la grange où nous entreposons nos vélos et la carriole à côté de tracteurs et d’autres engins agricoles. Après nous être installées nous allons nous dégourdir les jambes dans le village. Nous dînons tranquillement en mangeant des œufs gentiment offerts par Odette.



Notre tente près des champs de lavande


Nos vélos à l’abri dans le hangar de Jacques






Noémie faisant la sieste sous notre arbre à images 







Installation de notre atelier monotypes directement sur la Via Rhôna 










Noémie qui a adoré faire voler son drapeau 














 24 avril 2022

L’impression que la nuit a duré deux heures quand le réveil sonne à 5h du matin. Les gestes s’enchaînent dans une danse parfaitement orchestrée circulant entre les sacs et le corps d’Alban étendu en diagonale dans la pièce. S’habiller, se laver les dents, grignoter un bout, six voyages dans les escaliers et nous voici dans la cour à harnacher nos montures. Paris sommeille encore quand nous sortons dans la rue. La mise en selle se révèle particulièrement périlleuse pour moi car le poids de la carriole et des sacoches déstabilise mon vélo que je peine à manier et à contrôler. Quatre essais plus tard, je parviens à me lancer et nous prenons la direction de la gare TER de Bercy. Charger les vélos et la carriole s’avère plus facile que prévu, mis à part le fait qu’Alice ait inexplicablement déjà crevé pendant le trajet. Le train démarre, et déjà nos têtes se libèrent un peu, de voir les paysages défiler et de se dire que ça y est, on est parties ! 

Arrivée à Lyon, nous effectuons une correspondance remuée. Puis à là gare de Valence, nous retrouvons Pauline qui nous file un coup de main pour remonter la roue d’Alice sur le quai de la gare. Au bout de deux heures d’acharnement sur la pompe, on démarre, enfin, La route vers le Pouzin !

On se met en selle vers 16h30 et après avoir traversé Valence, nous faisons nos premiers pas sur la Via Rhôna. Quelques passant·es nous saluent et nous souhaitent bonne chance. Nous roulons le long du Rhône ou bien dans de petites forêts, la piste est plate et agréable. Quelques fines gouttes de pluie et un bon vent de face perturbent un peu le trajet, mais on s’attendait à pire vu la météo annoncée. Nous traversons des champs, des vergers de pomme et de cerisiers, de jolis ponts, entourées par la montagne au loin. Après avoir passé la Voulte-sur-Rhône, c’est presque sans effort que nous filons vers notre destination. Nous nous mettons en quête d’une maison susceptible de garder nos vélos et de nous offrir un bout de jardin pour la nuit. Nous rencontrons une petite famille qui nous ouvre sa porte : nous dormirons sur les toits du Pouzin. Magali, Thomas et Nico nous accueillent et discutent un peu avec nous. On leur parle de notre projet, et iels sont toustes content·es de recevoir une pochette de goodies en guise de remerciement. Ainsi on laisse la première trace de Grave Cargo chez l’habitant·e… 



Notre repas avec vue sur Le Pouzin 









La Voulte-sur-Rhône, son château, son pont et nous 



Fin prêtes à quitter la gare de Valence après avoir changé mon pneu 

En pleine réparation, sur le quai, avec l’aide de Pauline 



Nos vélos dans le TER pour Lyon

23 avril 2022 

L'heure du départ a sonné pour Grave Cargo ! 

C’est chacune séparément que nous nous rendons chez Alban afin de boucler les bagages et surtout de pouvoir partir ensemble de bonne heure demain matin. Après quelques sueurs froides avec Benjamin dans les trains et RER, nous rejoignons Alice chez Alban. L’excitation commence à monter ! Nous accrochons nos vélos dans la cour et grimpons avec les affaires les étages sans ascenseur. Alban semble pour le moment ne pas tout à fait réaliser que son appart va bientôt se métamorphoser en grand bazar mi-décathlon, mi-garage, mi-supermarché et mi-beaux arts… Très vite les garçons prennent racine sur des poufs, un bol de chips à la main pour ne plus bouger tandis que nous nous attelons méthodiquement à couvrir chaque centimètre carré du sol de notre artillerie lourde. Sur le lit, dans le couloir, sur le sol et sur le canapé on peut contempler ce à quoi va se résumer notre vie matérielle pendant une vingtaine de jours. Nous sommes sûres d’une chose : on a vu beaucoup trop gros, surtout niveau matos artistique. On ôte la moitié du papier, on se sépare d’une scie, d’un maillet, de lés de tissus et de pots de peinture. On leste une dernière fois les sacs, et à 23h30, on passe à table. Alban trouve un peu d’espace pour dérouler son tapis de sol pendant que nous finissons de télécharger les cartes. À 1h30, nous éteignons, déjà bien fatiguées mais dans l’impatience de savoir ce qui nous attend dans les prochains jours. Dans nos têtes bien pleines, les vélos pédalent déjà…


    
 




18 avril 2022 

Lundi de Pâques et dernier entraînement au château de Versailles.

        


26 27 mars 2022

Deux jours de vélo dans la forêt de Rambouillet.